Page:Paris, Paulin - Nouvelle étude sur la Chanson d’Antioche.djvu/48

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
— 44 —

Moult orent bien les os lor armes aprestées.
Les eschielles s’en vont, ès-les vous aroutées.
Al bon duc de Buillon ont les os comandées,
Et il les conduit bien par mons et par vallées.
Jusqu’en Costentinoble n’i ot regnes tirées,
Et il i sont venu à unes matinées.

Quelle que soit la concision du poëte, on ne trouve rien de ce qu’il nous dit ici, dans les dix chapitres qu’Albert d’Aix consacre à la marche des Croisés de Cologne à Constantinople : nouvelle concordance assurément des moins apparentes entre le Chanoine et le Trouvère. Mais l’impatience d’atteindre Constantinople n’avait pas empêché Richard de parler exactement des préliminaires de la Croisade. Chez Albert, deux lignes du sixième chapitre sont consacrées au Concile de Clermont et à la prise de croix. On n’y voit pas même indiqué le sermon d’Urbain II ; rien n’y est dit de ceux qui vouèrent le grand voyage ; tandis que Richard donne un texte du sermon pontifical aussi peu d’accord avec Tudebode, Robert de Reims, Guibert de Nogent et Foucher de Chartres, que le sont entre eux ces quatre latinistes mais au moins d’une éloquence plus vraie, mieux appropriée à la circonstance. Le poëte nomme ensuite ceux qui avaient donné le premier exemple ; d’abord Hue le Maine ou le Grand, frère du roi de France, puis Robert comte de Flandres :

De la françoise gent se croise grant partie.
Cil qui iluic ne furent ont la novele oïe,
De croisier après eus ne s’atargierent mie.
Li cuens Robers de Flandres part de la baronie,
A Arras est venus à Climence sa mie,
Souavet li conseille doucement en l’oïe :
« Dame, j’ou ai la crois, ne vous en poise mie,
« De vous voel le congié. S’en irai en Surie
« Delivrer le Sepucre de la gent paienie. »
Quant l’entent la Contesse, la couleur à noircie :
« Sire, ce dist la dame, pour moi n’irés-vous mie,
« Vous avés deus biaus fis que Jhésus béneie,
« Grant mestier ont de vous et de la vostre aïe. »
Quant li Cuens l’entendi, si l’a estroit baisie :