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sur Albert d’Aix, aurait, suivant M. Pigeonneau, demandé la suite des faits accomplis, au curé de Civray Tudebode, et il ne se serait pas contenté d’en suivre une seule rédaction ; il l’aurait comparée à celles que Besly et Mabillon nous ont permis de connaître.

« Dans la dernière partie (de l’Antioche) nous voyons tout à coup intervenir un nouveau guide, le chroniqueur anonyme de Bongart, ou du moins un de ses imitateurs, probablement Pierre Tuebeuf. On croirait que le trouvère avait les deux textes sous les yeux, et qu’il les a comparés, qu’il les a complétés l’un par l’autre » (p. 32).

Le texte donné par Duchesne diffère tellement peu de celui que Bongart a publié sous le nom de Tudebode ou Tuebeuf, que ce n’est pas ce double texte que Richard aurait eu besoin de contrôler. Et M. Pigeonneau, en rapprochant plus loin la leçon de Mabillon des deux précédentes, semble bien indiquer que tel était le second texte que Richard aurait eu sous les yeux. Or, cette comparaison de textes dont la réunion devait être assez difficile, on l’avouera, pour un trouvère contemporain de Louis le Gros, nous conduit à une date encore plus récente. On voit en effet, dans cette deuxième leçon, comment Tancrède prit une tour de Jérusalem, laquelle usque hodie Turris Tancredi appelatur. Expression qui suppose, comme l’ont déjà remarqué les auteurs de l’Histoire littéraire de la France, un temps considérable écoulé depuis la date de ce siége. On y parle aussi de la mort de Bohemond (1112) et de celle du fils de Bohemond, 1131. « La rédaction fut donc, comme le disent à leur tour MM. Regnier et Waddington, composée au moins quarante ans après la prise de Jérusalem. » Or, entre l’époque de cette rédaction, faite apparemment au Mont Cassin, et la publicité trés-problématique qu’elle aurait eue en France, il faut compter plusieurs années ; nous voilà donc contraints de descendre jusqu’au milieu du douzième siècle, c’est-à-dire, jusqu’à l’époque où les conditions de la versification furent renouvelées, la rime ayant remplacé la finale