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Introd., p. xxviii.) Les livres de Foucher de Chartres, de Raoul de Caen, de Raimond d’Aguilers et d’Albert d’Aix, rédigés moins anciennement que les Tudebode, me semblaient pourtant n’avoir dû que peu de chose à notre Chanson. Mais, bien que chacune de ces relations, dans sa première contexture, fut indépendante des autres, il ne fallait pas oublier que tous les paragraphes mis sous le couvert de Tudebode n’étaient pas de la même autorité et n’avaient pas été recueillis aussi immédiatement. Le texte conservé au Mont Cassin et publié par dom Mabillon avait surtout fait des emprunts à Raymond d’Aguilers et à Raoul de Caen ; deux ou trois chapitres y forment même un tel contraste avec tous les autres que la critique s’était vue contrainte d’y reconnaître une interpolation de chansons de geste. M. Pigeonneau accuse la Chanson d’avoir mis à contribution les latinistes ; j’ai exprimé le sentiment contraire, auquel je ne désespère pas de ramener M. Pigeonneau lui-même.

Les savants académiciens, éditeurs de la grande collection des Historiens des Croisades, ont reconnu que la chronique publiée sous le nom de Tudebode avait été faite à plusieurs reprises, et qu’on y avait ajouté d’assez nombreux passages empruntés à d’autres ouvrages. Le prêtre Tudebode, revenu de Syrie, avais-je dit de mon côté, aura peut-être voulu faire de l’histoire de la Croisade un corps de légendes à l’usage du commun des fidèles. Dans cette intention il aura (ou l’on aura) ajouté le premier thème (consacré à la croisade de Pierre l’Ermite) ; le dixième où sont racontés les entretiens de Corbaran avec sa vieille mère ; le treizième où se trouve la liste fabuleuse des anciens rois d’Antioche. Pour ce qui regarde ce treizième chapitre de Tudebode, je dois remarquer qu’il était dans l’esprit des Chansons de geste de donner, avant le récit d’une grande bataille, le nom de ceux qui commandaient les échelles ou bataillons de l’armée ennemie. Richard le pèlerin n’avait pas omis cette énumération ; mais n’est-on pas surpris de voir le plus grand nombre de ces chefs ennemis transformés chez