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II

J’ai rappelé l’opinion qu’après un sérieux examen je m’étais formée de cette importante Chanson de geste : M. Pigeonneau, professeur au collége Saint-Louis et à l’École libre des sciences politiques, n’a pas eu besoin d’une aussi longue étude pour exprimer un jugement tout à fait opposé. À l’entendre, le pèlerin Richard n’avait pas été du pèlerinage de Syrie ; il avait composé son poëme vingt ou trente ans après le retour des Croisés, et sans même avoir quitté son pays de Flandres : ce qu’il avait raconté, il l’avait trouvé dans les relations latines précédentes, surtout dans Albert d’Aix et dans Tudebode. Pourtant, il avait çà et là cousu, à la trame que d’autres lui avaient fournie, quelques lambeaux, quelques tronçons sans unité, sans lien, en faveur des prouesses plus ou moins réelles de ses compatriotes. Voilà pour Richard.

Puis M. Pigeonneau, lisant avec les yeux de l’imagination ce que j’avais écrit sur l’œuvre du Pèlerin, me faisait dire que tous les historiens de la Croisade, sans en excepter le plus ancien de tous, Tudebode, avaient été les copistes de la Chanson d’Antioche. Or, au lieu d’avoir rien dit de pareil, j’avais reconnu que le plus grand nombre des thèmes, livres ou chapitres de Tudebode, paraissaient rédigés sous l’impression des événements racontés[1]. « Ils semblent dictés le jour ou le lendemain de chaque action décisive, tant ils portent le cachet d’un bulletin de bataille. C’est l’expression du premier sentiment qu’on voulait communiquer aux chrétiens de l’Occident. » (Chanson d’Antioche,

  1. Voy. Bulletin du bibliophile, octobre-novembre 1877.