Page:Paris, Paulin - Nouvelle étude sur la Chanson d’Antioche.djvu/21

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
— 17 —

et quand la ville fut rendue, il entra dans la vallée de Gurhenie, soit avec Boemond et Tancrède, soit avec le comte de Flandres et Godefroi, accourus au secours des Normands et Siciliens. Il se trouva devant Tarse avec Tancrède et le suivit à Missis (Mamistra) et à Sucre, l’ancienne Cesarea Anazarbus. À compter du siége et de la prise d’Artaise (Ertesi), Richart rejoignit le quartier général, et ne paraît plus l’avoir quitté. Il assista donc au siége, à la prise, à la défense et au départ d’Antioche. C’est à Antioche qu’il dut commencer sa chanson ; aussi nous a-t-il raconté plus particulièrement les incidents multipliés de ce grand épisode historique : il l’a fait, sans les revêtir de couleurs mensongères, comme on devait le craindre assez naturellement d’un chroniqueur de sa profession.

Tracer cet itinéraire, c’est indiquer ce que Richart aura pu voir et ce qui dut lui échapper. Il ne faut pas conclure de ce qu’il n’a pas raconté, qu’il n’ait pas été en position de bien voir ce qu’il nous a fait connaître. S’il n’a pas tout dit, c’est qu’il s’est borné à parler de ce qu’il avait pu voir. Comme il n’avait pas été au nombre des Croisés qui avaient traversé l’Allemagne, la Hongrie, la Bulgarie, pour atteindre Constantinople, il n’a pas raconté cette longue marche, ni les stations faites par le principal corps d’armée à Iconium, à Héraclée, à Antioche de Pisidie, à Marrash. Et cela, parce qu’il ne pouvait être à la fois avec ce corps d’armée et avec Tancrède, à Tarse, Mamistra, Sucre. Mais s’il eût composé sa chanson en France, vingt ou trente ans après le retour des Croisés, rien ne lui eût été plus facile que de prendre dans les autres récits contemporains la matière d’un récit bien autrement complet. Enfin, si, comme M. Pigeonneau l’a prétendu, il n’avait travaillé que pour donner plus de relief aux prouesses des chevaliers de Flandres, rien ne lui eût échappé de ce que les Tudebode, les Foucher, les Albert d’Aix, qu’on imagine avoir été ses guides, avaient mentionné à la gloire de ses compatriotes. C’est là ce qu’il n’a pas fait. Il a chanté, sans doute des exploits dont les autres