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Baudouin du Bourg, troisième roi de Jérusalem, fut pris dans un combat livré par les Musulmans, qui venaient en effet d’assiéger Antioche, et qui, repoussés devant cette ville, s’étaient rejetés sur Édesse. Il ne fut relâché qu’au bout de dix-huit mois, pour une rançon considérable. N’est-il pas possible qu’un trouvère flamand, écrivant huit ou dix ans après la mort de Baudouin Ier et peut-être même après celle de Baudouin II (1128 ou 1130), et sachant vaguement qu’un comte d’Édesse, roi de Jérusalem, avait été pris sous les murs ou dans les environs d’Antioche, ait confondu Baudouin de Boulogne et Baudoin du Bourg ; le siége d’Antioche en 1120[1], avec les combats livrés entre Antioche et Édesse en 1123 ? Cette explication reculerait encore de quelques années la date probable de l’apparition de la Chanson d’Antioche. »

En effet, Baudouin II étant mort en 1131, le pèlerin Richart n’aurait pu composer son ouvrage avant cette année-là. Mais, par malheur pour l’explication de M. Pigeonneau, l’histoire de Baudouin II n’avait rien dit de ce que M. Pigeonneau lui fait dire ; et c’est chez lui, je suis obligé de le remarquer, une habitude fâcheuse, de présenter comme parfaitement conformes, des textes qui offrent entre eux tous les genres de dissemblance. Rétablissons les faits :

Les Musulmans n’assiégèrent pas Antioche en 1120. Baudouin du Bourg, troisième roi de Jérusalem, fut fait prisonnier par l’émir Balac, non pas sous les murs ou dans les environs d’Antioche, mais près de Turbezel, aujourd’hui Tell-Bascher, à plus de cinquante lieues d’Antioche. Après une longue captivité, des négociants arméniens, sachant que la pauvreté du roi le mettait hors d’état de payer une rançon, offrirent de lui servir de garants et obtinrent ainsi sa liberté conditionnelle. Baudouin ne put trouver la somme exigée, et il allait retourner en prison, quand il fut prévenu, par la mort de Balac, que la sienne suivit de très-près.

  1. Lisez apparemment 1098.