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facile. Il est encore ici question d’un service funèbre. C’est après la victoire remportée dans le val de Gurhenie. Voici le texte ancien :

Cel jor se revestirent et maint vesque et maint prestre,
Font eve benéoite, les cors font metre en terre.
Dist li vesques del Pui : moult est bone tel guerre.
Car les armes d’ices n’iront pas en miseres,
Ne al jor del juise n’i aront nul contrere.
Ichele nuit sejornent tant que li jors esclere.

Et voici le même fragment remanié :

Cel jour se revesti li evesques gentis,
Aigue font beneoite, s’ont les cors enfoïs.
« Baron » ce dist li vesques, entendés à mes dis.
Je vous dis entresait qui ci meurt est garis.
Les armes de ces cors jà sont en paradis,
En solas et en joie seront més à tousdis.
Cele nuit sejornerent volontiers, non envis.

(Ch. d’Antioche, I, p. 162.)

J’en ai dit assez, je pense, pour qu’on me pardonne d’avoir cru reconnaître, dans ces treize couplets complémentaires, le style du premier auteur.

Les vers de la Chanson d’Antioche sont de douze syllabes : on a donné plus tard aux vers de cette mesure le nom d’alexandrins, en raison des anciennes Chansons d’Alexandre qui l’avaient également adoptée. Mais on ne pourrait dire s’ils n’avaient pas été longtemps auparavant en usage; au moins voit-on les trouvères qui préféraient cette mesure à celle de dix syllabes, avertir qu’ils allaient se régler non sur la Chanson d’Alexandre, mais sur celle d’Antioche :

Senors esta canso es faita d’aital guia
Com sela d’Antiocha, e ayssi versifia,


disait encore au treizième siècle le chantre de la Guerre des Albigeois[1]. Il faut peut-être aussi remarquer que,

  1. Toutefois, un habile et rigoureux romaniste, M. Meyer, penche à