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M. Letronne, négligeant ici tous les accessoires, se contente de dire qu’il n’est pas vraisemblable que le cœur d’un saint aussi révéré ait été enfoui sous le pavé d’une église ; mais il est fort probable, comme nous le disions tout à l’heure, que cette place avait été préparée et occupée plusieurs années avant la canonisation. Quel endroit, après tout, plus privilégié, plus durable que la base d’un saint autel ? N’est-ce pas celui que l’on réservait aux corps des saints et des évêques ? Et si la place est inconvenante pour le cœur d’un roi, dites-nous comment il se fait que saint Louis l’ait choisie précisément pour y mettre celui de sa mère, Blanche de Castille ? C’est en effet sous le pavé d’un autel que le cœur de cette grande reine reposait encore avant la révolution : il est vrai que c’était dans l’abbaye du Lys et non pas dans la Sainte-Chapelle des rois de France.

L’autel de la Sainte-Chapelle était entouré d’un berceau de colonnettes terminées en arcades gracieuses. Sur ce berceau, on exposait les saintes reliques pendant la durée du saint sacrifice, et c’est là qu’il était alors permis aux fidèles de venir les adorer. De sorte que, pour me servir des belles expressions de M. Auguste Le Prévost, « si une goutte du sang dont la couronne d’épines est imprégnée venait à se liquéfier et à percer ses enveloppes d’or, c’est sur le tabernacle de l’autel qu’elle devait tomber. » Et ce tabernacle reposait précisément sur l’humble pierre qui séparait la boîte de plomb de l’autel de marbre.

Ainsi donc voilà ce qu’on ne peut contester : d’un côté, le cœur de saint Louis précieusement embaumé avait été rapporté en France, et jusqu’à présent personne n’avait pu dire en quelle place on l’avait déposé. De l’autre côté, un cœur enveloppé d’un tissu rougi de quelques gouttes de sang, enfermé dans une double boîte de métal s’est trouvé dans la Sainte-Chapelle fondée par saint Louis, et sous le maître-autel, c’est-à-dire à la place la plus honorable.

Or, ce cœur, nous le reconnaissons pour celui de saint Louis, et nous allons examiner tout ce qu’on a dit, tout ce que même on pourrait dire pour nous empêcher de le croire.

L’argument le plus fort, sans aucun doute, c’est le silence absolu gardé par les historiens de la Sainte-Chapelle sur cette