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français de l’an 1300. Un pareil silence est fait pour exciter notre surprise ; et bien qu’il soit possible de l’expliquer, ainsi que je l’essaierai, ce n’en est pas moins une singularité dans l’histoire du culte de saint Louis.

Mais s’il est permis d’affirmer quelque chose, c’est que le cœur ne fut jamais compté parmi les objets conservés à Saint-Denis. Placé dans tout autre endroit, on pouvait en perdre la mémoire, il pouvait échapper naturellement à l’attention publique, mais dans l’abbaye, gardienne habituelle de la dépouille mortelle des rois, rien ne saurait expliquer un pareil oubli. Je ne crois pas d’ailleurs qu’il y ait beaucoup d’exemples, et pour moi je n’en ai pas découvert un seul, d’un cœur séparément embaumé, qu’on aurait cependant laissé dans l’endroit affecté à la sépulture du corps. On retrouva bien, vers le commencement du XVIIe siècle, sous les dalles d’une fenêtre de l’église de Saint-Denis, le cœur du cardinal Louis de Bourbon ; mais cet abbé de Saint-Denis était précisément du petit nombre de ceux dont le corps ne reposait pas dans l’église. Il avait été transporté dans la cathédrale de Laon.

Non-seulement le cœur de saint Louis n’est pas mentionné dans les nombreux inventaires du trésor de l’abbaye, mais quand on ouvrit le tombeau de ce prince, quand, à l’époque de la canonisation, on exposa ses os réunis, on ne montra jamais son cœur. Plus tard, Philippe-le-Bel réclama vivement pour la Sainte-Chapelle la possession de tous les os sacrés de son aïeul, il ne redemanda pas le cœur ; et nous remarquerons que Guillaume de Nangis et le chroniqueur de Saint-Denis ont gardé le silence sur cette réclamation de Philippe-le-Bel. Nous la connaissons par la lettre de Boniface VIII à l’abbé de Saint-Denis, dans laquelle il l’engage en termes concis à se rendre aux vœux du roi dans cette circonstance. La lettre est de l’année 1298, mais on sent combien il serait important d’avoir celle de Philippe-le-Bel qui l’avait sollicitée : peut-être se retrouvera-t-elle un jour dans les archives du Vatican ; peut-être y verra-t-on que le principal motif des instances du roi était le dépôt du cœur fait précédemment dans la Sainte-Chapelle en conformité des vœux et du premier testament de Louis IX.

Au commencement du XVe siècle, Charles VI fit ouvrir le