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effet combien de difficultés ! Cette relique nécessairement sacrée aurait été enlevée à l’église de Montréal, sans que les légendaires et les historiens contemporains en eussent fait la remarque ; la précieuse châsse aurait traversé, inaperçue, l’Italie et la plus grande partie de la France ; Charles V, alors dans toute sa puissance, aurait dissimulé la négociation qui devait lui mériter le plus d’applaudissements. Et pourquoi tant de précautions ? Dans l’hypothèse admise, le cœur n’avait-il pas été loyalement reçu par Charles d’Anjou ? Le roi, de son côté, n’avait-il pas, en 1378, le droit de céder au profit de sa Chapelle, une des reliques achetées des propres deniers de saint Louis ? Ici, le mystère eût été par trop indigne de la majesté royale, et c’est en donner une faible raison que d’alléguer la crainte des murmures et des réclamations de Saint-Denis ; car alors cette abbaye, dépossédée de la charge de transmettre à la postérité l’histoire contemporaine, ne tenait plus la monarchie en tutelle, et Charles V, qui venait, à l’époque où l’on place cet échange, de léguer son cœur aux Célestins de Paris, ne pouvait se laisser intimider par la crainte d’une résistance qu’il ne prévoyait pas, puisqu’elle était sans prétexte.

Deux champions ont été appelés pour justifier cette translation du cœur de saint Louis au quatorzième siècle. Mais leurs armes ne sont pas d’une trempe solide. Le premier est Jean-Louis Lello, auteur de l’Istoria della chiesa di Montreale. Cet écrivain avait, en 1597, entrepris une tâche souvent bien difficile : il voulait justifier l’origine de toutes les reliques de son église. Mais si Louis Lello se montre très empressé de faire valoir les moindres détails du pieux trésor de Montréal, ce n’est pas un motif pour nous d’ajouter à ses allégations une foi plus robuste, car nous donnerions ainsi trop beau jeu à toutes les explications de la Légende dorée. Que dit-il cependant ? Qu’autrefois le corps de saint Louis était dans l’église réuni aux entrailles ; que la preuve s’en tire des dimensions de l’ancienne tombe consacrée à ces dernières. Nous admettons ce raisonnement : mais, remarquons-le bien, il est uniquement fondé sur la grandeur de la tombe ; et quel rapport peut-on établir aujourd’hui entre cet objet évidemment destiné aux chairs et aux entrailles dont on parle, et la possession du cœur dont on ne parle pas ?