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Lors, il commanda que li cors fust aprestés et oint de précieux oignemens… Quant il fu cuit, li rois Charles de Secile demanda les ventrailles à monseigneur Phelippe… et les fist mettre en une abbaye de l’ordre de saint Benoist qui est appelée Montréal. » (F° 258.)

Tant d’autorités doivent au moins balancer le rapport tout-à-fait unique de Geoffroi de Beaulieu, ou plutôt, comme je l’ai démontré, de son arrangeur posthume. Mais pourquoi davantage insister ? M. Letronne a dit lui-même dans son Rapport au ministre : « Le cœur doit se trouver parmi les restes de saint Louis que contient l’urne de marbre blanc encore à présent placée sous l’autel doré, dans l’église de Montréal. Si le cœur ne s’y trouve pas, ce qui est peu probable, ce sera une preuve que ce cœur a été transporté en France. » Or, on sait aujourd’hui que les recherches n’ont pas fait découvrir dans les inscriptions, dans les châsses, ni dans les urnes de l’église sicilienne, la moindre indication du cœur de saint Louis. Concluons-en qu’il n’y fut jamais déposé. Non, le cœur de saint Louis, séparé des os et des entrailles comme celui de tous les autres membres de sa race, ne fut pas abandonné par un fils pieux au souverain d’un autre pays que la France. Si, contre toute vraisemblance, Philippe-le-Hardi s’était rendu coupable d’une telle indifférence, on peut être assuré que Charles d’Anjou, possesseur du trésor, ne l’eût pas laissé dans une ville placée à l’extrémité de son royaume ; il l’eût précieusement remis aux clercs de sa chapelle royale à Naples, ou bien aux religieux du Mont-Cassin. Comprendrait-on, d’ailleurs, qu’après avoir demandé, et bien plus, obtenu le cœur de son frère pour la Sicile, il eût légué le sien à la France, et qu’il en eût ordonné, par son testament, le dépôt chez les Jacobins de Paris ? Dans ce rapprochement, tout choquerait les mœurs, les idées, les sentiments du XIIIe siècle ; tout, en un mot, serait inexplicable.

Maintenant, si le cœur de saint Louis n’a été demandé ni reçu par Charles d’Anjou, s’il n’a jamais été déposé dans l’église de Montréal, il devient inutile de se préoccuper de la possibilité d’un échange dont il aurait été l’objet, dans le XIVe siècle, entre la France et la Sicile. C’est donc avec regret que je m’éloigne ici de l’opinion soutenue avec tant d’éloquence et de conviction par notre confrère M. Auguste Le Prévost. Voyez en