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sist rire. Après, sire, les entrailles furent portées à Montréal, en une église près de Palerme, là où nostre sire a ja commencié à faire moult beaux miracles pour lui, si comme nous avons entendu par l’archediacre de Palerme, qui le manda par sa lettre au roy de Sezille. Mais le cuer de lui et le corps demourèrent en l’ost, car le peuple ne voult souffrir en nulle manière que il en fust portés. »

(Mss. de Saint-Victor, n° 886, f° 216, et Fonds du Roi, n° 7272, f° 139.)

Dans une communication faite tout récemment à l’Académie, M. Letronne a tenté de concilier les paroles de Geoffroi de Beaulieu avec celles du roi de Navarre, qui leur donnent un démenti formel. Mais, si je ne m’abuse pas, le prompt retour de Geoffroi de Beaulieu en France et l’exposition des véritables motifs de la résistance de l’armée ne permettent pas l’accommodement proposé. Il faut donc absolument le reconnaître, il n’y eut qu’un seul dépôt à l’abbaye de Montréal ; l’envoi en fut fait peu de jours après la séparation des os et des chairs ; il ne causa pas la moindre émotion dans l’armée. Et le cœur étant demeuré avec les os, il est impossible d’imaginer qu’on ait fait à Montréal une deuxième cérémonie, à trois mois de là, afin de l’y déposer. Concevrait-on, en effet, que l’armée, au mois de décembre, eût abandonné sans difficulté, sans murmure, le cœur dont elle n’avait pas voulu se séparer en septembre ! Il faudrait, pour justifier un fait aussi singulier, quelque témoignage contemporain, des inscriptions tumulaires à Montréal, ou pour le moins un passage de quelque histoire sicilienne : or, tout cela manque en même temps.

Passons au récit du moine anonyme de Saint-Denis. Sans doute, il n’a pas l’autorité ni l’importance de la lettre précieuse du gendre de saint Louis ; mais il ne faudrait pas en parler avec mépris, comme le fait notre rigoureux confrère : « Il reste, » dit M. Letronne, « une vie fort abrégée de Saint-Louis, écrite par un moine anonyme. On y lit que les os du prince avec son cœur avaient été transportés en France et enterrés à Saint-Denis. Mais cette assertion isolée d’un auteur dont l’époque est tout-à-fait inconnue pourrait-elle prévaloir contre les témoignages contemporains et parfaitement éclairés de Geoffroi de Beaulieu et Guillaume de Nangis ? »