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phrase de Beaulieu sur laquelle notre savant confrère fonde son opinion s’y retrouve parfaitement isolée, de sorte qu’il est impossible de douter qu’elle n’ait été transportée de l’un des deux ouvrages dans l’autre. Je ne dirai pas quel doit avoir été l’emprunteur ; il nous suffit de remarquer que Nangis n’a pas joint dans son texte l’inconcevable mention de la remise du cœur à celle de la remise des intestins. Voici ses paroles : « Carnem tamen corporis excoctam et ab ossibus separatam nec non et intestina ipsius petiit et impetravit Karolus, rex Siciliæ. » Nous n’avons qu’une copie ancienne du texte de Geoffroi de Beaulieu, nous avons vingt copies contemporaines du livre de Guillaume de Nangis, toutes fécondes en bonnes variantes ; elles s’accordent dans la phrase que nous venons de citer. Ce n’est pas tout : Guillaume de Nangis, ou quelque autre écrivain de son temps, a traduit son livre latin en français, et la même absence du cœur se retrouve dans la traduction. Nangis a fait ou dirigé la rédaction des chroniques de Saint-Denis, ce monument pour ainsi dire irréfragable de l’histoire officielle au XIIIe siècle : les chroniques de Saint-Denis admettent le même récit et gardent le même silence sur le don du cœur. Que faut-il en conclure, sinon que Nangis eut quelque raison de s’écarter en ce point du modèle qu’on lui impose ? S’il a modifié le récit de Geoffroi, n’est-ce pas évidemment parce qu’il n’en admettait pas l’exactitude ? M. Letronne en a jugé tout autrement. Voulant confirmer la vérité des paroles du confesseur quant au don du cœur, il invoque le récit de Nangis, qui précisément omet cette circonstance. « Nangis, » à l’entendre, « comprenait évidemment le cœur dans les intestins… Il ne pouvait avoir d’autre opinion que Geoffroi. » Mais on ne voit pas bien comment le plus célèbre des historiens du XIIIe siècle, le bénédictin, auteur de deux grands ouvrages sur saint Louis et sur l’histoire de France, ne pouvait penser différemment et plus sainement que le jacobin Geoffroi de Beaulieu. Ici M. Letronne n’a pas assez distingué la vie de saint Louis de celle de Philippe-le-Hardi ; car, je le répète, dans celle-ci, rien de ce qui suit la phrase citée, rien de ce qui la précède, ne concorde avec le texte du confesseur. Par exemple les derniers chapitres de Geoffroi disent que Charles d’Anjou arriva au moment même de la mort du saint roi, hora illa, et