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unique et ne gagne rien à l’appui de cette prétendue lettre d’un anonyme contemporain[1].

Certainement il semblera plus naturel d’opposer aux paroles de Geoffroi de Beaulieu le silence de Guillaume de Nangis. Ce fameux chroniqueur, moine de Saint-Denis, chargé de rédiger officiellement les annales de France, écrivit l’histoire de saint Louis avant l’année 1297, puisqu’il n’y donne pas encore au roi le titre de saint ou de bienheureux. Il connaissait pourtant le véritable travail de Geoffroi, car fort souvent il s’est contenté, comme M. Letronne l’a fort bien dit, de transcrire le texte du confesseur jacobin. Mais ici vient encore s’offrir une preuve de la supposition des derniers chapitres de Geoffroi de Beaulieu, et j’avoue que je ne l’avais pas reconnue quand je commençai la lecture de ce Mémoire. Nangis a consulté pour sa Vie de saint Louis les actes originaux conservés à Saint-Denis et le livre de Geoffroi de Beaulieu. Or, son dernier chapitre est la transcription fidèle du chapitre quarante-quatrième de Geoffroi, de celui-là même que j’ai signalé comme devant être le dernier de l’ouvrage. N’est-ce pas une forte présomption contre la sincérité du reste ?

On ne manquera pas de répondre que Guillaume de Nangis, ayant également écrit la vie de Philippe-le-Hardi, a pu juger à propos d’y rejeter les derniers chapitres de Geoffroi, qui précisément touchaient au règne de ce prince. Mais d’abord Nangis, dans la Vie de saint Louis, n’a pas fait scrupule de raconter plusieurs miracles faits sous le règne de Philippe ; ensuite, la comparaison des textes n’admet pas cette explication. Dans la Vie de Philippe III, en effet, Nangis ne doit rien aux neuf derniers chapitres de Beaulieu : on n’y voit pas la mention d’un seul miracle : c’est une autre manière de juger, un autre style, d’autres faits. Cependant, chose singulière ! la

  1. Voyez, dans la Biblioth. royale, le célèbre manuscrit des miracles de saint Louis, n° 8405. C’est le même que le père Malbranck, et après lui Quetif et Échard, citent comme renfermant une miniature du bon roi à genoux, recevant des coups de discipline sur ses reins nus (f°11). Les artistes chargés de restaurer la Sainte-Chapelle devraient l’étudier aujourd’hui pour reconnaître le maître autel de la Sainte-Chapelle, dont il offre plusieurs représentations toujours identiques, à l’occasion des saintes reliques de la Passion qui y sont exposées et devant lesquelles Louis IX est prosterné.