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fonde, sont justement admirés de toute l’Europe savante. Le Nain de Tillemont a fait sur saint Louis un immense travail demeuré jusqu’à présent inédit et qui m’a toujours paru le chef-d’œuvre d’un homme dont tous les travaux sont d’un prix inestimable : Eh bien ! sur la comparaison longtemps méditée de tous les garants contemporains, Tillemont décide fermement, et lui aussi sans exprimer le moindre doute, que le cœur de Saint-Louis fut ramené en France. Voici comme il justifie cette conviction : « Geoffroi de Beaulieu dit que le cœur de saint Louis fut enterré à Montréal avec ses entrailles ; mais cela ne peut pas être, non tant parce que l’Anonyme de Duchesne dit qu’il fut porté à Saint-Denis avec les os, que parce que le roi de Navarre, dans sa lettre du 24 septembre 1270 à l’évêque de Tusculum, dit que les entrailles ayant été portées à Montréal, li cors et li cuers demeurèrent dans l’armée, c’est-à-dire les os et le cœur. Ce même endroit, » ajoute Tillemont, « nous assure encore que ce ne fut point Philippe et Charles d’Anjou qui apportèrent les entrailles en Sicile après la fin de la guerre de Tunis, comme on le lit dans une chronique. » (Msc. de Tillemont, n° 2013 bis. Suppl. fr. de la Biblioth. du roi, p. 71.)

Tillemont me conduit naturellement à Geoffroi de Beaulieu dont le livre ne présentait pas, aux yeux du savant critique, tous les caractères d’un monument authentique et parfaitement sincère. Il faut dire ici quelques mots de la composition de ce livre. Nous avons conservé du pape Grégoire X une lettre par laquelle il invite le confesseur de saint Louis à rédiger un écrit des actions du roi, et particulièrement des plus secrètes. Il y travaillera secrètement, et quand il l’aura rédigé il le lui enverra sous le même secret : « Devotionem tuam rogamus… seriatim nobis, et secreto sub tuo sigillo, quam citius poteris, per certum nuntium scribere non postponas. Volumus autem quod apud te verbum remaneat nemini referendum. »

L’ouvrage ainsi demandé dès le 4 mars 1272 fut-il immédiatement rédigé et secrètement envoyé ? on l’ignore ; mais le pape mourut le 10 janvier 1276, et l’on ne voit pas qu’un seul écrivain ait parlé de sa lettre ni de l’envoi de Geoffroi. Le confesseur étant mort, à ce qu’il paraît, avant lui, ce ne fut que