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pression des mœurs et de la civilisation de ces temps reculés. On leur a souvent donné le nom de Romans Carlovingiens ; non que la forme dans laquelle ils nous sont arrivés soit antérieure à l’avénement de Hugues Capet, mais parce que le fond de la plupart de leurs récits étoit bien réellement du domaine du xie, du xe, et même du ixe siècle ; c’est là ce qu’il nous sera facile de démontrer. Pour mieux faire comprendre tout de suite ma pensée, je vais emprunter un exemple à notre littérature contemporaine. Assurément les beaux livres de MM. Walckenaer, Sainte-Beuve et Cousin, sur les personnages et sur la littérature du siècle de Louis XIV, appartiennent, par leur date, au xixe siècle ; mais comme les écrivains que je viens de nommer se sont proposé de mettre dans un plus grand jour les choses du xviie siècle, leurs livres sont devenus inséparables de l’époque dont ils nous entretiennent ; et bien qu’il ne soit pas difficile de reconnoître la date véritable de leur composition, on n’en a pas moins le droit de les regarder comme autant de flambeaux pour l’étude de la littérature françoise et de la société sous le grand règne de Louis XIV.

Entre les Chansons de geste qui nous sont parvenues et les temps auxquels ces Chansons se rapportent, il y a la même distance qu’entre la Fronde et les études de nos plus illustres contemporains sur les personnages de la Fronde. Seulement, comme nous vivons dans le siècle de la critique littéraire, on soumet aujourd’hui les événements et les biographies du xviie siècle à un commentaire perpétuel, tandis que les trouvères, peu soucieux de comparaisons et de contrastes, se sont contentés de reprendre les œuvres anciennes et d’en modifier la forme pour les rendre plus accessibles à l’intelligence et au goût de leurs contemporains.

Quand les trouvères du xiie siècle renouvelèrent d’anciens ouvrages, ce fut en raison de l’intérêt que sembloit présenter le fond des récits ; ils ne s’avisèrent donc pas de toucher ce fond ; et, grâce leurs scrupules, nous pouvons espérer de