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Or gart chascuns que grans cos i emploit,
Male cançon de nous chanté ne soit !


Plus loin, quand tout espoir de vaincre a disparu, et que Roland ne pense plus qu’à bien mourir :

Je i ferrai de Durendal, m’espie,

Et vous, compains, ferrés de Hauteclaire,
En tans bons lieus les avonmes portées,

Male chanson n’en deit estre chantée.

Il y a quelque chose d’analogue dans Raoul de Cambrai ; si les enfants du comte Herbert rencontrent Raoul, la Chanson dira tout ce que lui aura coûté l’usurpation des domaines de leur père.

Dieu en jurerent et ses saintismes nons,

Se Raoul truevent, teus en ert la chanson,

Mar i reçut de lor terre le don.


Et pour constater cet usage de faire une chanson de geste le lendemain même du combat, le clerc Bertolais, dans la même geste de Raoul de Cambrai, entendant Bernier de Ribemont donner le signal du combat, promet d’en être l’historien poétique :

Dieu, dist Bernier, quel fiance ci a !

Mal dehait est qui premiers recréra,
Ne de l’estor primerain s’enfuira.
Bertolais dist que chanson en fera,

Jamais jougleres tele ne cantera.


Et Bertolais tint sa promesse, comme nous l’apprend le réviseur dont nous conservons le travail :

Mout par fu preus et sages Bertolais,

De la bataille vist tos les meillors fais,
Chançon en fist n’orois meillor jamais,

Puis a esté oïe en maint palais.