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et je verrais volontiers les habitants d’Acre (Acon), dans les Achopars ou Acopars ; ceux de Coine ou Iconium, dans les Canelius. Du Cange a cependant une autre opinion : « Les Canoglans, dit-il avec de bonnes autorités, étaient les jeunes enfants des princes de la famille impériale de Perse. » On peut choisir entre les deux explications. Écoutons maintenant celle de M. Génin : avant d’avoir consulté le Glossaire de M. Michel, il décide que Canelius est dit pour caneliers ; caneliers pour chandeliers, et chandeliers pour luminiers ou porte-chandelles. Ainsi le premier corps d’élite de l’armée sarrasine est tout à coup transformé en porte-chandelles :

Grans dis escheles establissent après :
La première est des Canelius, li lais,
L’altre est des Turs, etc.

(Chant iv, v. 842.)

Ce mot lais présente quelque incertitude : il exprime soit la laideur de ces peuples, soit le nom d’une seconde nation. Mais pour M. Génin, ce sont des guerriers laïcs :

On establit ensuite dis cohortes,
La premiere est des luminiers (laïcs s’entend).

N’admirez-vous pas combien Théroulde est ingénieux ? On pouvait lui faire une objection : « Quoi, monsieur ! des chandeliers ! — Ah ! » répond-il, « j’entends des chandeliers laïcs ; laïcs s’entend. » — Comprenez-vous ces réviseurs malotrus qui n’ont rien dit de ces caneliers laïcs ?

Les réviseurs ne disent pas non plus que parmi les guerriers de Boteroz figurât Judas Iscariote, mais seulement que Boteroz était la patrie du traître Judas :

La premiere est de ceus de Boteroz
Dont fu Judas, qui fel estoit et roz,
Qui Deu vendit....

Cela est fort différent. — En parlant de l’heure de complies, ils n’ont aucunement voulu dire que les païens eussent coutume d’entendre la messe et les vêpres. Ces mots, au moyen âge, indiquaient le déclin de la journée, et, pour ne l’avoir pas su, M. Génin a rendu plaisamment le vers :

Bels fu li vespres e li solez fu clers,