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nom de Théroulde, les vers blancs de toute mesure, les origines de la langue vulgaire et la théorie de la prononciation uniforme dans toutes nos anciennes provinces de France au onzième siècle. Mais, pour faire passer tant de belles choses, il eût été probablement plus sage de ne pas chercher querelle aux pauvres bonnes gens ; par malheur, on ne s’avise jamais de tout[1].

EXAMEN DE L’INTRODUCTION.

Chapitre Ier. — Aperçu du poëme. Nous voici, dès le début, forcés de contredire M. Génin. Il veut que « les temps épiques soient les temps où le nom de l’épopée était inconnu ; — Achille et Agamemnon ne soupçonnaient pas qu’ils fussent des héros épiques ; Homère ni Théroulde ne poursuivaient pas la gloire de bâtir une épopée. » Tout cela n’a qu’un faux air de pensée. Au temps où le poëme de Roncevaux fut composé, le mot épopée se rendait en France par celui de chanson de geste. Achille, Agamemnon ne vivaient plus quand on chanta leurs grandes actions, et Roland souhaitait qu’on fît sur lui de bonnes chansons. Enfin, Homère et l’auteur du Roncevaux ne ressemblaient pas à M. Jourdain ; ils savaient bien qu’ils composaient des poëmes héroïques et des chansons de geste. — « Le vice radical de toutes ces compositions laborieusement imitées et calculées, c’est que l’art y étouffe la nature ; que tout y est factice, et même sans véritable intérêt. » (Pag. iv.)

Il s’agit ici de la Jérusalem délivrée, du Paradis perdu, du Roland furieux, etc., etc. Or, l’exagération d’une pensée vraie la rend fausse. Certainement, l’art est aussi pour beaucoup dans la composition de l’Iliade ; et, d’un autre côté, on prend un plaisir extrême, et, par conséquent, un vif intérêt à la Gierusalemme, à l’Orlando. M. Génin a fait deux catégories chimériques des productions de l’art et de la nature, et cette division le conduit à des contradictions incessantes. Bientôt son Théroulde, représentant de la nature, possédera « un sentiment d’artiste » (p. viii), « un art infini » (p. ix), « un art judicieux » (p. xv). Il sera « un poëte initié aux secrets les plus intimes de son art » (p. cxii), « un artiste consommé » (ibid.), « un poëte nourri de la lecture des écrivains classiques de l’antiquité » (p. x). On le félicitera d’avoir cité Homère

  1. Titre de l’opéra-comique dont les paroles sont de Sedaine, la musique de Dalayrac, et le reste de M. Génin.