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G. PARIS

Un autre est tout gracieux et romanesque. Ce n’est point le hasard qui apprend au héros le péril où se trouve sa dame ; c’est elle-même qui l’appelle à son secours par un message ; mais il ne fait qu’une réponse évasive, ce qui enlève à l’infortunée son dernier espoir. Quand, vêtu en moine, il l’a confessée, il lui demande en aumône l’anneau qu’elle porte au doigt, seule richesse qu’elle ait conservée. Après le combat, il disparaît, et nul ne sait qui était le généreux libérateur (tandis que, dans le poème anglais, il s’était fait connaître, non plus, comme dans le groupe catalan, à l’impératrice elle-même, mais à l’abbé qui lui avait procuré son déguisement). Plus tard, il revient à la cour, et celle qui jadis l’avait si doucement traité le reçoit avec une froideur dont elle finit par lui dire la cause : il accepte ses reproches sans protester, mais fait en sorte qu’elle voie à son doigt l’anneau qu’elle a donné au moine inconnu qui l’a confessée dans la prison. Elle le reconnaît, tombe à ses pieds et lui demande pardon. Cette scène est bien dans l’esprit qui devenait de plus en plus celui de la légende, et fait honneur au remanieur qui l’a conçue.

Ce remanieur travaillait évidemment sur le poème français qui est aussi la source du poème anglais du xive siècle. Son œuvre a en commun avec ce poème la plupart des traits qui le distinguent du groupe catalan, donc du thème primitif. Le remaniement ne doit pas être ancien, car aucun de ses dérivés n’est antérieur à la fin du xve siècle. Il laissait sans doute dans le vague le pays et le rang des personnages : dans aucun des dérivés l’héroïne n’est impératrice ; elle est reine d’Angleterre ou de Pologne, duchesse de Bretagne ou de Savoie ; le héros est un comte de Lyon, un roi de Bohême, un chevalier breton ou un seigneur espagnol.

J’imagine que ce remaniement était écrit en latin, et qu’il appelait simplement son héros comes quidam palatinus ; c’est

    nobles, dont l’un, Hartvin, lui fait des propositions qu’elle repousse. Tout deux, au retour du roi, lui racontent qu’elle a eu des relations coupables avec un esclave, et lui conseillent de l’envoyer dans une forêt et de lui faire couper la langue, ce à quoi Sigmund consent.