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LE THÉATRE D’HIER.

suivantes l’énervent. Poirier reçoit les créanciers de son gendre, et traite en homme d’affaires avec ces usuriers. Mais les Gobseck délèguent un d’entre eux auprès du marquis de Presles, qui apprend la ruse de son beau-père et la comédie qu’il a jouée, menaçant d’envoyer son gendre à Clichy plutôt que de rembourser les billets intégralement ; et c’est Antoinette, la petite pensionnaire, qui entame sa dot pour désintéresser ces lamentables fripons. « Tiens ; toi, je t’adore ! » dit Gaston. Et de ce mot si naturel naît une situation imprévue, qui va donner une impulsion nouvelle à la comédie et traverser les desseins de Poirier. C’est un brusque revirement. Gaston a les yeux dessillés ; il enlève sa femme, l’emmène au bois, l’apprécie, est à la veille de l’aimer. La balance penche en sa faveur ; le plateau chargé de son bonheur l’emporte. — Mais Poirier ne souffrira pas que son gendre gaspille la dot de sa fille. Le fruit modeste et nourrissant devient amer. Assez fait patte de velours, assez ronronné, assez temporisé. M. Poirier a l’étoffe d’un pair de France, et il tient à la conserver. On ne ruine pas M. Poirier. A louer, l’appartement de M. le marquis, l’écurie de M. le marquis, et le maître d’hôtel de M. le marquis. « Monsieur le marquis de Presles, on va vous couper vos talons rouges. » La guerre est déclarée.

Cependant Gaston se promène émerveillé de sa femme, qu’il a découverte, entêté des bouffées du printemps et des senteurs d’avril. Il a le cœur en joie. Il est parti pour aimer. Il est embarqué ; il ne songe plus que fêtes grandioses, où Antoinette éclipsera toutes les autres, et madame de Montjay. Mais il a songé sans Poirier, qui arrive avec son plan de réformes. C’est la grande scène de délibération, le point culminant de la pièce. « Eh bien, cher beau-père, comment gouvernez-vous ce petit désespoir ? Êtes-vous toujours furieux contre votre panier percé de gendre ? Avez-vous pris votre parti ? — Non, Monsieur, mais j’ai pris un