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XXXVII
POSITIVISME ET RÉALISME.

être plus réaliste, ou s’il vous plaît mieux, pour l’être avec moins de concessions à l’art même, humilier une bonne fois et proscrire la sympathie et l’imagination, maltresses d’erreur. « Ton imagination, c’est ton ennemie », a dit M. Henry Becque, et il passé outre. On verra, dans le chapitre qui lui est consacré, par quoi il l’a cru pouvoir remplacer, au mépris de toute fiction. Il a naturellement beaucoup d’esprit ; il n’a pu se débarrasser de ce don ; il en a usé infiniment. Le calme de l’analyste a dégénéré en mélancolie, l’indifférence méthodique et tempérée en hostilité. Poussant au noir l’observation, il a poussé à l’aigu la vérité qu’il en exprime. Pour être plus proche de la réalité, plus étroitement rivé aux faits, il a écarté de son théâtre toute convention artiste, dont la plus ancienne et la plus efficace est l’émotion qu’auteur et spectateur doivent ressentir de complicité, au contact de la vie. Il a foulé aux pieds un aphorisme qui date des premiers tréteaux sur lesquels monta le premier Guignol :

Pour me tirer des pleurs, il faut que vous pleuriez.

L’ironie impassible s’émousse. Les faits, la brutalité des faits n’est que tristesse inféconde. Imagination, émotion, logique même, il a tout rebuté avec une vaillante imprudence. A grand effort, il a étouffé en lui la vivifiante flamme du génie. Et, comme il y a tout de même une rare vigueur d’observation dans cette œuvre dénudée, découronnée, et une certaine gran-