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XXXV
POSITIVISME ET RÉALISME.

abstraite qu’imaginative. Toutes les fois que la thèse lui laisse quelque répit, elle combine, ordonne, éclaire, anime et crée à nouveau les faits. Grâce à cette prestigieuse ingérence, le levain de l’observation, de ce réalisme audacieux et qui paraît peu maniable, se pétrit comme de cire, s’assouplit, s’adoucit, se transforme. Sur l’ensemble du tableau cette rigoureuse fantaisie plane, verse la lumière, distribue les jours, les ombres, le clair-obscur et les valeurs, met chaque chose à son plan, situations et caractères, prépare les unes, développe les autres d’un art impeccable et précis. Contre elle se viennent briser le cynisme fanfaron et l’inutile brutalité. Elle tient lieu de goût, et presque de sensibilité. Elle est une sensibilité de tête. Pendant que positivistes, analystes, chimistes s’occupent, elle rencontre d’aventure sur son droit chemin, sans faire mine de s’en écarter d’une ligne, une naïve et instinctive affection, qui est encore un fait démonstratif parmi tant d’autres, mais d’essence plus intime, et de qualité plus humaine. Elle s’en empare, la jette dans le rapide courant de la scène et de la pièce : et c’est une source de vie, d’émotions et de larmes bien-faisantes aux esprits tendus. Pendant que de Jalin lėve le plan du Demi-Monde, discourt sur les mœurs et les usages des habitants, une jeune fille innocente et désabusée se rencontre, égarée en ces régions, dont l’intérêt nous touche et nous attache aux mœurs et aux destinées de ces espèces. Et, en effet, ce Demi-Monde vaudrait-il la peine d’être tant décrit, n’étaient cette