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LE THÉÂTRE D’HIER.

ses tares originelles et de sa foncière vulgarité ; mariez la jeune, avec une sage précipitation : vous avez madame Mercier, la Parisienne. Il y a de la fille chez toutes ces femmes, je veux dire qu’elles sont plus capricieuses qu’ardentes, ayant plus de fantaisies que de sens. Elles sont filles d’Ève, sans enthousiasme, avec beaucoup d’ingéniosité. Celle-ci a pris son parti du mariage, du mari, et de tout un peu, curieuse de bien-être, de tranquillité, d’agrément. Elle n’est pas une lionne pauvre, avide du luxe effréné : elle a plus d’allure, d’habileté, et aussi de philosophie. C’est la distinction aisée dans l’adultère. Au reste, beaucoup d’égoïsme ; d’imagination, si peu que rien : bourgeoise, diplomate, et perverse. Elle a, dans le désordre de sa vie régulière, un air prudent, radouci, et un peu las, je ne sais quelle froideur avisée, avec des réflexions à renverser les toits, des mots qu’elle laisse tomber d’un ton posé, réfléchi, qui nous déconcerte et nous suffoque. Elle a une façon à elle d’être fatiguée, ennuyée, nerveuse ou tendre, qui marque beaucoup d’esprit, peut-être trop.

« Ah bien, dit-elle, on en aurait de l’agrément avec des passions pareilles, qui ne vous laissent pas le temps de respirer. Sans compter qu’on est toujours à deux doigts de sa perte. C’est vrai, je ne sais plus tranquille que quand mon mari est là. »

Décidément l’observation est si aiguë, qu’en vérité il y a autre chose…

Il y a autre chose aussi dans le personnage d’Hélène de la Roseraye[1]. Mais l’esquisse en est pleine de feu, et d’un réalisme singulièrement original. Fille d’un agioteur audacieux, et d’une mère bourgeoise et désabusée, elle a grandi, presque isolée, parmi les splendeurs d’une fortune équivoque, au milieu d’un ménage sans intimité, hautaine, exagérée, et inquiète. L esprit aventureux que le père apporte dans les

  1. Michel Pauper.