C’est à ce don enfin que M. Becque peut attribuer les mois proprement comiques, qu’il a semés dans son théâtre, et qui l’emportent, grâce à Dieu, sur les aphorismes profondément amers, lentement, âprement élaborés. Et c’est encore de là que procède, en partie, la Navette, un bijou d’esprit, et aussi d’observation.
III
L’OBSERVATION.
Car M. Becque est un observateur. Il l’est même, par complexion, beaucoup plus qu’analyste : en quoi consiste plus essentiellement le génie dramatique. Par là, il se rapproche de M. Alexandre Dumas fils, d’Émile Augier… et même de Molière. Il a l’acuité visuelle, le regard net et pénétrant, et non pas seulement la perception directe et vive des objets pris en leurs contours et à la surface, mais une certaine intuition, souvent très précise, des dessous, du substratum, comme disent les philosophes : et il en est ainsi, toutes les fois qu’il s’en tient à l’image imprimée dans son œil, qui est singulièrement lumineuse, sans l’assombrir ou la déformer par les retouches d’école ou la cuisine d’atelier. Chez lui, l’organe est supérieur à l’artiste, infiniment plus sensible et délicat. Décidément, si M. Becque n’est pas un ingrat, il a tout lieu d’être content de la nature, qui ne l’a point traité en marâtre.
Je n’en veux pour preuve que son style, sobre, précis, nerveux, éminemment dramatique, et qui est aussi chez lui un don si naturel, qu’il n’est point parvenu à le gâter. On y voit à plein l’homme né pour l’observation, et presque jamais l’écrivain : dont on ne saurait trop le louer. Un grammairien subtil et intransigeant lui reprocherait peut-être — en de rares endroits — le jar-