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XXX
INTRODUCTION.

du monde réel, et qui n’exclut ni une imagination discrète ni une observation loyale. Il n’escamote pas les faits dans la complication de l’intrigue : il se sert de la fantaisie pour la vérité, et, tranchons le mot, pour la plus domestique et laïque vertu. Et lorsque, soucieux d’élargir son horizon, d’agrandir sa formule, sans modifier son idéal, il s’en prendra aux passions qui sont un péril pour lasociété tout entière, et encore et toujours pour la famille dans la société ; alors les coups seront plus droits, fournis d’une main plus hardie, la vérité plus forte, le sens et le choix des circonstances plus frappants, mais sans brutalité ni violence, avec une vigueur mesurée, maîtresse de soi, avec les tempéraments qu’apporte dans la vie la foi sincère et persistante en une poésie faite de devoirs naïfs et d’affections coutumières. Enfin, comme si, à tous les instants de sa carrière, il avait craint que le réalisme n’étouffàt l’imagination en fleur, il la rafraîchissait « en un bain d’ambroisie » ; et, détournant ses regards du positivisme effréné, il reprenait haleine et s’abandonnait avec délice à la robuste et toujours vivace poésie de sa jeunesse. Il écrivait Philiberte ou le Post-scriptum, comme pour faire une retraite et se rapprocher de son idéal, à l’exemple des âmes pieuses qui par instants s’éloignent du monde et s’enferment avec Dieu. Et l’imagination, pour répondre à ce sacrifice, souriait et faisait fête au pénétrant et harmonieux écrivain.

M. Edouard Pailleron, ami et adepte d’Emile Augier,