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VICTORIEN SARDOU.

que n’attristerait pas le spectacle de Robert Houdin. Je vous renvoie au dénoûment, au sans-culotte muselé, ficelé, empaqueté sous la table. Lorsque l’autre affrontait le tumulte des « esclaves ivres », qui donc a empaqueté, ficelé, muselé le monstre lui-même ? — Il fallait la passion du moment, avivée des inquiétudes de l’avenir, pour s’émouvoir de cet élémentaire vaudeville. Cela n’est pas sérieux. Et tant mieux.

Daniel Rochat est une œuvre d’aspect plus grave, qui n’a pas laissé que d’ennuyer les plus honnêtes gens. C’est un fait indéniable. Et j’en crois débrouiller assez clairement les causes, à présent que les esprits se sont calmés et l’émotion refroidie. M. Sardou, qui a la vue courte, s’exagère volontiers l’importance de ce qu’il découvre. Il n’est pas philosophe ; il manque de flegme ; il écrit d’humeur, et quand il se prend aux idées nouvelles, de méchante humeur. Je veux croire qu’il a été heurté en ses croyances par l’indiscret étalage de la libre-pensée, par l’athéisme musiquant des Bidaches, et la déclamation tapageuse de certains voltairiens, qui ont passablement compromis le bon sens et le libéralisme en la personne de Voltaire. Et il a mis à la scène le docteur jacobin, sans épargner le ridicule dont cet important se barbouille. Mais ce politicien hannetonnant ne contentait pas son cœur. Il a voulu atteindre le matérialisme, le positivisme et l’esprit systématique : il a créé Daniel Rochat, pensant faire son Tartufe. Il n’a point pardonné à cet homme de n’être pas tourmenté par l’infini. Il lui a voulu donner une leçon de tolérance, d’un esprit aussi peu libéral qu’il est possible. Car, s’il semble tenir la balance égale au début de la pièce, nous verrons trop tôt que cette impartialité ne dure guère. Et puis matérialistes, positivistes convaincus et militants sont-ils ceux qui font le plus de bruit et de grimace ? Ou s’il ne s’agit que des Bidaches, much ado about nothing… C’est une première raison, pourquoi cette pièce ne prit pas aux entrailles le public, que