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LE THÉÂTRE D’HIER.

V

LES PIÈCES POLITIQUES.


« À Rabagas, notre sauteur ! »

Par trois fois M. Sardou fit une glissade sur le terrain mouvant de la politique. En dehors des États-Unis, les républiques lui plaisent médiocrement ; il n’est suspect d’aucune tendresse pour les « nouvelles couches ». Il n’a pas encore pris son parti « du bloc » de la Révolution ; cet événement déjà ancien le contriste et lui donne de l’humeur. Par trois fois donc il s’est attaqué aux institutions et aux hommes qui ont succédé au second empire, avec un redoublement de zèle estimable. Car la première fois, en 1872, Rabagas parut ; et s’éleva d’enthousiasme un concert de notes aiguës et stridentes, que le spectateur fait entendre en ramenant la lèvre supérieure en auvent par-dessus l’inférieure, laquelle est préalablement munie d’une clé forée. La seconde fois, en 1880, Daniel Rachat parut ; la comédie fut saluée de la même musique et accompagnée d’un semblable divertissement. La troisième fois, en 1891, Thermidor parut ; ici le succès fut tel, que le Parlement en prit ombrage, et que les représentations durent se poursuivre sur un théâtre de Berlin. Il y avait pourtant une belle scène, comme dit l’autre.

À distance et après réflexion, il parait bien que M. Sardou ne spécule point sur le scandale, et que l’opinion s’est premièrement fourvoyée, à propos du vaudeville en cinq actes et en prose, qui a nom Rabagas. Si l’auteur avait donné la pièce quinze ans plus tard, elle eût peut-être paru une douce plaisanterie à l’adresse d’un certain parti déchu. Il n’était que de changer le titre Rabagas en Monaco. Avec les gens d’esprit il y a de la