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VICTORIEN SARDOU.

la baronne, tout est dit, et l’on vient trop tard… Voyez plutôt le dénoûment. Mais si Pauline — quel esclandre, dût-il se donner pour un voleur et encourir la prison ! Et bellement, il s’offre à l’esclandre, comme Polyeucte à la gloire, martyr des deux actes qui sont encore à faire. « Pour qui donc veniez-vous ?… Je compromettais deux femmes, pour en sauver une, et je ne sauvais rien ! » Bon jeune homme, vous sauviez la pièce, qui maintenant ne se soutient qu’à prix d’équivoques et incidents surprenants. C’est d’ordinaire le moment précis, où commence sur la scène un remue-ménage, dans lequel on tâche par tous moyens à surprendre notre émotion. Les personnages vont, viennent, entrent, sortent, l’adjoint chez monsieur, le commissaire chez madame, le conseil municipal au premier, tout le village au rez-de-chaussée. Un duel ? Non. Un coup de pistolet ? Oui. Point de cadavre ? Allons, tant mieux. L’imagination se démène sans contrôle ; c’est la débandade de toutes les qualités inquiétantes de l’auteur. Le stratégiste, le le manœuvrier s’épuise en précautions dramatiques, dont le moindre défaut est d’accuser davantage l’invraisemblance de ces artifices.

Et de tous le plus invraisemblable est précisément la formule adoptée par M. Sardou pendant la plus grande partie de sa carrière. Parce qu’il excellait à intriguer l’imbroglio du vaudeville et à dresser la machine pathétique et compliquée du mélodrame, il a eu l’ambition de juxtaposer ceci à cela, et, par une coquetterie raffinée, de compliquer la complication. Deux actes gais ; trois actes tristes : c’est le type de la pièce. Plus tard le sombre envahit, de la gaité ne subsiste plus que le premier acte, souriant tableau de genre, pour mettre en goût le public. Cette formule dramatique a soulevé plus d’une objection. On a reproché à l’auteur de ne pas assez fondre les nuances, de ne pas ménager suffisamment la transition entre le rire et les larmes, de déplacer trop brusquement notre émotion. Tout cela