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LE THÉÂTRE D’HIER.

puissante à percer les dehors et à dégager les dessous, il lui est encore possible d’être un dramatiste émouvant ou un vaudevilliste rare, selon que les personnages qu’il met en scène sont un peu supérieurs ou un peu inférieurs à la réalité ; et que, s’il possède le don du rire avec celui du pathétique, et surtout, oh ! surtout une inépuisable fantaisie, soutenue d’une incomparable science du métier, il a tout de même devant lui des succès de gaîté ou de larmes à espérer, à la condition de régler ses visées sur ses ressources, et de ne point donner pour vérité morale ou comédie de caractères le prestige de l’imagination ou l’adresse d’un fin ouvrier.


IV

LA PIECE À FAIRE.


L’influence de Balzac n’a aucunement pesé sur le talent de M. Sardou. Mais de le river au nom de Scribe, c’est faire injustice à tous deux, il me semble que l’habileté professionnelle de Scribe recouvre un peu plus de commune vérité, de bon sens bourgeois, qui porte sa date et qui eut son heure[1].

En revanche, l’exécution de M. Sardou est plus raffinée, presque artiste, et supplée à l’absence de matière psychologique par un travail plus dissimulé, des tours de force moins apparents. À tout coup, son agile et industrieuse imagination accomplit à la sourdine de menus et secrets miracles inexpliqués. Cela rehausse singulièrement le métier. C’est une perpétuelle surprise que cette ingéniosité d’invention, qui s’évertue aux plus délicates besognes. Après une étude réflé-

  1. V. Introduction. II. Scribe et le vaudeville.