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VICTORIEN SARDOU.

plus fidèle et le détail plus minutieux de révolution réaliste qui s’opérait parallèlement dans l’existence et sur le théâtre moderne. Rien de ce qui frappe l’imagination ne lui a échappé ; il a vu, noté, copié et reconstitué sur la scène tous les dehors de la vie contemporaine, celle du second Empire surtout. Il est instruit, autant que les spécialistes, de toutes les variations de la mode. Il en a pris des croquis ; il est un décorateur de goût, plein de scrupules. Il a suivi d’un regard attentif les travaux du baron Haussmann, qui éventrait Paris, perçait les boulevards, ramenait vers le centre le commerce du Marais, faisait la toilette de la capitale, séjour de luxe et de plaisir, arbitre de toutes les élégances. Il a remplacé, lui aussi, sur le fronton de son théâtre, la vieille enseigne : À la cocarde, par une inscription plus reluisante : Au bouton d’or. Il a fait maison neuve sur la scène. De lui datent la recherche, la minutie, l’érudite et somptueuse exactitude des costumes et du décor. Il a remplacé les meubles démodés et fanés du salon classique par d’autres tout battants neufs. Il est un amateur de premier ordre, s’il n’est pas un observateur. Ce n’est pas lui qu’on abuse sur le prix du bibelot, ni qui se laisse prendre au toc ni au clinquant, « Tes salons ! Un malheureux appartement, qui ment depuis les bourrelets de la porte jusqu’aux cendres du foyer ! Partout la singerie du beau et du riche !… Frottez, ça s’efface ! Frappez, ça s’écaille ! » Il ne se trompe guère que sur la valeur des observations qu’il recueille, associant par une fausse sensiblerie le progrès de l’industrie à toutes les catastrophes domestiques, et la démoralisation publique à l’usage du ruolz. Quant à déchirer le voile des apparences et à scruter les raisons économiques de cette inéluctable transformation, il ne s’en doute même pas. Il n’a pas vu Séraphine Pommeau, laquelle se fournit encore chez une marchande à la toilette, et il ignore les grands magasins du Bonheur des Dames, où, exempts