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XXV
POSITIVISME ET RÉALISME.

qui décrète comme une loi nouvelle l’atroce égoïsme humain et l’âpre lutte pour les concupiscences.

En attendant cette barbare dépravation du positivisme, qui a chez nous un culte, le culte du moi, depuis hier, — dès longtemps une révolution dans les mœurs est accomplie, qui n’est pas la moins curieuse de celles que le siècle s’est données en spectacle. Et voici donc l’amour ravalé à la condition d’une vérité de fait, aux prises avec les faits, l’argent, la loi et la science.

Ah ! quand l’amour jaloux bouillonne dans nos têtes,
Quand notre cœur se gonfle et s’emplit de tempêtes,
Qu’importe ce que peut un nuage des airs
Nous jeter en passant de tempête et d’éclairs ?…

Qui a dit cela ? Dans quel pays ? Au sein de quelle civilisation rudimentaire cet homme a-t-il vécu ? —— Cet homme est un poète, un peu fou comme tous les poètes, qui, bourgeois à peine parvenu au pinacle, a déifié la femme pour se faire honneur, et dont, trente ans après, les fils bourgeois, mais qui en ont rabattu de ces lyriques effusions, n’entendent plus les vaines mélopées.

En fait d’amour, ils considèrent le mariage comme une affaire, la poésie comme une babiole, et tiennent la vie pour chose infiniment sérieuse, dont il importe de se tirer à son avantage. En l’espace de trente ans, la terre a fait un tour : nous sommes aux antipodes. La question d’argent d’abord, et avant tout, pour cimenter la passion. On ne bâtit point sur le sable. Voilà ce que la Jeunesse entend proclamer d’un à l’autre bout des