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LE THÉÂTRE D’HIER.

famille des observateurs ; en ambitionnant moins la richesse et en respectant plus l’art, il aurait pu être un grand homme. Il ne l’a pas voulu ; que sa volonté soit faite[1] ! »

M. Sardou est victime d’un malentendu. À force d’en exiger ce qui lui manque, on finit par détester ou méconnaître ce qu’il possède. Pendant que le bon Labiche s’empare de la Comédie-Française, où il ne faut pas désespérer de voir introniser quelque jour la Cagnotte, l’agile dextérité des Pattes de mouche est honnie, et l’éclat de rire de Divorçons n’adoucit plus nos cœurs ingrats. Le Juif Polonais emplit notre première scène de sa féerique médiocrité, pendant que Patrie est exilée sur les hauteurs de Belleville ou de Montmartre. Le vaudeville, où M. Sardou triomphe, et le mélodrame, où il excelle, ne le protègent plus guère contre de rigoureuses préventions. Et pourtant, son talent ne fuit pas la lumière. Sa fécondité même et cette faculté d’adaptation aux diverses spécialités des théâtres jadis rentes par ses ouvrages, suffiraient, avec un peu de bonne volonté, à dissiper une équivoque fâcheuse, qui se perpétue.

Un homme s’est rencontré, qui doit sa première réputation à un subtil imbroglio, son plus vif succès à un vaudeville fantaisiste, son plus durable à un gros drame puissamment machiné ; qui a poussé sa pointe dans tous les genres, éventé toutes les modes, servi au public le plat du jour au plus favorable moment, depuis les petites drôleries à travestis (les Premières Armes de Figaro, Piccolino) jusqu’à la féerie, délice des petits enfants (Don Quichotte, le Crocodile), en passant par la bouffonnerie (les Pommes du Voisin) pour aboutir au spectacle archéologique (Théodora) ; qui, la même année, écrivit le Roi Carotte et Rabagas. Daniel Rochat et Marquise ; qui s’est deux fois laissé tenter par la pièce

  1. Alexandre Dumas fils. Préface du Père prodigue.