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LE THÉÂTRE D’HIER.

IV

LE DILETTANTISME AU THÉÂTRE.


Elle a bien de l’esprit, la raison sociale Meilhac et Halévy. Tous les excès se payent, même celui-là. Et je pense que voilà de la morale. Un Aristarque, plus passionné pour le théâtre et plus soucieux des destinées qui l’attendent que curieux d’opinions distinguées et de scepticisme croustillant, aurait le courage de dire, après s’être arraché à la spirituelle griserie du chef-d’œuvre qui a nom la Belle Hélène :

« Ô Thalie, n’est-il pas vrai que ces deux Parisiens, les plus Parisiens de Paris, t’ont compromise ? Leur plus beau succès fut presque un sacrilège. Un souffle d’irrévérencieuse opérette a traversé tous leurs ouvrages L’ironie en a figé le sentiment. Ils ont apporté sur le chariot de Thespis un dilettantisme qui fane et dessèche la petite fleur d’illusion. Rien n’a échappé à leur espièglerie caustique, pas même la technique du théâtre, dont tu leur avais prodigué tous les dons dans un sourire. De ces dons ils se sont amusés, confiants en ce sourire. Ils ont raillé le métier et plaisanté les plus élémentaires procédés. Combien de fois ne se sont-ils pas arrêtés, au détour de la scène commencée, pour se jouer des nécessités de la composition dramatique, et faire la nique aux traditions dont ils s’emparent ! Le mariage, la crise, les narrations, les tableaux, rien n’évite les traits de leur malice. À tout coup ils éclatent de rire, à la barbe du spectateur étonné. « Ah ! ces choses-là sont très jolies au théâtre… Tous les soirs au théâtre, un jeune homme épouse une jeune fille, que jamais il n’aurait dû épouser. » Ou encore : « Voulez-vous savoir où il y a une lutte ? C’est là (montrant