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MEILHAC ET HALÉVY.

« Deux hommes s’entre-tuer à cause de moi, Froufrou ?… Est-ce que cela est possible ?… Songes donc !… Froufrou, des fêtes, des chiffons, toute ma vie était là… C’est pour cela que j’étais faite, pour cela seulement… Qui donc m’a jetée au milieu de ces choses si terriblement sérieuses et qui m’épouvantent ?

Qui donc ? Mais ce Sartorys, pauvre chérie, Sartorys, l’implacable instrument de deux auteurs inhabiles à s’attendrir, et à sentir vraiment. Ces choses si terriblement sérieuses sont la rançon d’opérettes triomphantes et de comédies ironiques. La pièce s’assombrit et se machine aux dépens de la grâce et du goût. De MM. Meilhac et Halévy on attendait quelque délicatesse. Froufrou se flétrit et se meurt ; la Croix de ma mère, le Petit Georges qui veut sa maman, la Dame aux Camélias, Mimi Pinson, la tirade du cercueil et de la robe de bal se suivent et se complètent irrémédiablement. Brigard en a oublié de teindre ses cheveux ; tant d’infortune et de banalité le défrise. Du refrain d’Indiana et Charlemagne il retombe ahuri dans le trémolo de M. Sardou. Ainsi finit une délicate étude de psychologie parisienne en trois actes, par un drame de cape et d’épée aggravé d’une maladie de poitrine. Au moins la moralité du dénoûment est-elle sans reproche ; elle prévient les plus honnêtes scrupules de la censure. « N’exigeait-on pas, écrivit un jour Émile Augier, que, dans les Lionnes pauvres, Séraphine, entre le quatrième et le cinquième acte, fût victime de la petite vérole, châtiment naturel de sa perversité ? » Froufrou étant moins coupable, MM. Meilhac et Halévy se sont contentés de la phtisie ; dans Fanny Lear, il avait tâté de la folie : dures contraintes pour des hommes d’esprit. Pauvre Froufrou !…