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LE THÉÂTRE D’HIER.

se sent déchue, et sacrifiée à d’impénétrables desseins. Elle obéit avec la révolte sur les lèvres ; elle cède sans passion à un charme irrésistible, qui la réduit, sans la séduire.

« Implacable Vénus, pourquoi veux-tu m’entrainer encore ? Puisqu’aujourd’hui Ménélas, vainqueur de Pâris, veut ramener dans ses foyers une indigne épouse, pourquoi venir ici méditer de nouvelles perfidies ? Va t’asseoir auprès de tes Troyen, renonce aux sentiers des Immortels, et ne porte plus tes pas vers l’Olympe ; sans cesse inquiète pour lui, garde-le soigneusement, heureuse d’être son épouse, ou même son esclave. Pour moi, je n’irai point partager sa couche… »

Cependant la déesse au tendre sourire la glace de crainte ; Hélène se couvre d’un voile blanc, se dérobe aux yeux des Troyennes, et monte à la chambre de l’hyménée, où Paris l’attend, gracieux et lâche, sourd aux reproches, insensible aux paroles amères, plus embrasé de désir que jamais.

Pour cet esthétique génie de la race, la beauté n’est pas uniquement l’amour, elle est l’autorité. Elle sera la pensée de Platon, et la sagesse du stoïcien. Elle est le signe des rois. Dès Homère, elle occupe l’esprit de cet aimable peuple, qui ne se débrouillera jamais entièrement de sa passion pour la splendeur harmonieuse des lignes.

« Apprends-nous, dit à Hélène le vieux Priam, le nom de ce héros remarquable, de ce Grec si Tort et si majestueux ; d’autres peut-être le surpassent par la hauteur de la taille. Mais tant de beauté unie à tant de noblesse n’a jamais frappé nos regards. Sans doute ce héros est un roi. » — « … Ce prince est le fils d’Atrée, le puissant Agamemnon. »

Quand un héros surpasse les autres par la beauté et le courage, il est né d’une déesse. Une déesse seule peut avoir conçu Achille, fils de Thélis. Alors la fantaisie s’exalte. Achille est grand, fort, rapide à la course ; son âme courroucée se fond aux accents de la lyre, et se retrempe dans les amères délices de l’amitié vengeresse. Il serait un habitant de l’Olympe, s’il n’était