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MEILHAC ET HALÉVY.


se mue en un sublime lyrique et indécis :

  Voici le sabre de mon père ;
  Tu vas le mettre à ton côté !
 ...............
Vont pouvez sans terreur confier à mon bras
Le sabre vénéré de Monsieur votre père.

Leur prose surtout est jonchée des roses du répertoire, qui se sont effeuillées sous leurs doigts malicieux et agiles.

Sais-tu que ce vieillard fut la même vertu,
La vaillance et l’honneur de son temps, le sait-tu ?

Ce souvenir cornélien se traduit dans la bouche de M. Carcassonne par un large mouvement d’orgueil professionnel.

« Quand, demain, une foule idolâtre envahira notre espectacle, quand messieurs les espectateurs et mesdames leurs épouses se feront l’honneur de nous demander ce que la Cigale est devenue, sais-tu ce que nous leur répondrons, dis, le sais-tu ? » — « Non, je ne le sais pas. » — « Nous leur répondrons… qu’à la corde raide de la vertu la Cigale a préféré le tremplin du déshonneur. »

Et dites si ce n’est pas là une des sensations les plus complètes qu’un esprit français et bachelier puisse éprouver. Je choisis cet exemple entre cent. Leur verve émoustillante jaillit des plus pures fontaines d’Hélicon. Toutes les splendeurs de l’art font sur leur langage des reflets inopinés. Boulotte parait.

  C’est un Rubens !
Ce qu’on appelle une gaillarde !

Saphir implore sa bergère en une pose « à la Watteau ». L’influence moralisante de Greuze est peut-être la seule dont on n’y puisse relever les traces. Quant à l’élégante précision de la ligne grecque, elle y est partout. Je le dis sans sourire. Sur ces piquantes oppositions règne la lumineuse concision des maîtres. C’est, à son ordinaire, M. Jules Lemaitre qui a risqué le mot,