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EUGÈNE LABICHE.

C’est le chef-d’œuvre de Labiche ; cela ne fait pas question. Mais, dussé-je passer pour myope, je ne résiste pas à l’envie d’écrire que celui-ci encore, qui est un type d’une réalité amusante, a plus de physionomie que de caractère. Je m’explique. Mettons tout de suite à part, si vous y consentez, cette trouvaille du double sauvetage, et des contraires effets que l’auteur en a tirés. Reconnaissons une tentative d’analyse pénétrante, et même une vérité assez générale pour dépasser de beaucoup le type que Labiche dressait en pied. Il en jaillit des mots de nature ; il en naît des scènes supérieurement enlevées, de la meilleure comédie. Il le faut proclamer sans détour, l’occasion étant presque unique.

Est-ce à dire que tous les traits soient de même valeur, et marquent une observation aussi profonde avec une égale et sûre continuité d’analyse ? N’est-il pas manifeste, malgré le plaisir incessant qu’on éprouve, que le Perrichon des deux premiers actes est autrement étudié et fouillé que celui des deux autres ? Au début, nous sommes, cette fois, en présence d’un personnage complexe : importante naïveté, bonhomie décorative, un certain goût des phrases sonores, et l’héréditaire abaissement aux petits détails, les sentences de M. Homais et la minutie d’un caissier fidèle, les brusques élans et les sages retours de M. Prudhomme, les timides audaces et l’héroïsme précautionné, et, brochant sur le tout, une avidité d’être quelqu’un parce qu’on possède quelque chose, tout cela constitue les éléments d’un caractère analysé, ordonné, animé. Dès le troisième acte, l’observateur se fatigue et appelle la fantaisie à la rescousse. À présent les événements s’accumulent, les scènes se pressent, les effets scéniques abondent, les traits s’accusent, et l’on voit poindre la caricature. J’aime la prudence avisée qui tâche à dépister la douane ; mais pourquoi la scène de provocation et d’excuses ? Est-ce que ceci est de la même venue et témoigne d’une