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LE THÉÂTRE D’HIER.

surtout du naturel, de la simplicité, et quelque douce et modeste bêtise, dont chacun sait que nos grands comédiens sont incapables. C’est proprement une duperie, que d’y faire un sort à chaque mot. Voulez-vous psalmodier des répliques comme celle-ci : « Je ne sais pas faire de phrases, moi… mais, tant qu’il battra, vous aurez une place dans le cœur de Perrichon… » ? ou marteler des aphorismes de ce goût : « Les femmes aiment à s’appuyer sur un bras qui porte une épée à sa ceinture… » ? ou détailler l’infinie tendresse de ce sermon familial : « Mes enfants, c’est un moment bien doux pour un père, que celui où il se sépare de sa fille chérie, l’espoir de ses vieux jours, le bâton de ses cheveux blancs… » ? Toute cette gaité veut être enlevée gaîment, et avec brio, comme elle fut notée plutôt qu’écrite, à la franquette, à la voltige, tout jusqu’aux plus innocents marivaudages : « Pas de manière ! va me chercher, sans murmurer, une chope-bière, dans laquelle tu émietteras un verre de cognac… », jusqu’à ces vocables, qui sont comme la poussière aveuglante de ce style sans cesse balayé par les courants d’air de la scène : « Alors vous me refusez ? » — « Douloureusement… » — « Comment trouvez-vous cette robe ? » — « Frissonnante ! frissonnante ! »

Mouvement, inconscience, naturel ; inconscience, naturel, mouvement ; brouhaha, fureur de gaité, éclats de fantaisie… Quoi encore « C’est tout, c’est bien tout, je pense, le style de Labiche, l’originalité de son théâtre, et la vie de ses personnages… — Dieux bons ! j’ai pensé oublier le costume et le magasin des accessoires !