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LE THÉATRE D’HIER.

apprécier la souplesse, et connaitre comment M. Pailleron peint, quand il observe, relisez, après tous les autres, le rôle étincelant de la comtesse Julia Wackers, qui rit en parlant, qui parle en riant, qui croque des gâteaux, pendant qu’elle parle et qu’elle rit, qui cherche ses mots, mais à qui n’échappe aucune nuance, qui suit le train de ses idées exubérantes comme sa vie, au hasard d’une langue rapide, mêlée, et risquée, qui semble la notation la plus précise et la plus simple de ce caractère fuyant et décidé. C’est le dernier terme de l’art avec lequel l’auteur écrit, quand il n’écrit pas.

M. Pailleron n’a pas terminé sa carrière. Elle lui a été facilitée par des dons naturels, qui furent appréciés de bonne heure. De la société qu’il a peinte il est le plus élégant exemplaire, quoiqu’il n’en soit pas engoué au point de la suivre dans ses plus modernes ridicules. Il a eu l’heureuse fortune d’être un homme du monde, et un homme d’esprit, d’avoir beaucoup de talent, qui a suffi à lui mériter la plus brillante réputation, et d’en acquérir encore, après qu’il a mieux observé ses originaux, et qu’il s’est cantonné dans le milieu, pour lequel il était né. Peut-être s’en faut-il de rien, — d’une œuvre aussi originale que l’Âge ingrat, mais moins dispersée, aussi brillante que le Monde où l’on s’ennuie, mais plus originale, aussi pénétrante que la Souris, mais allégée de certain rôle prématuré, — que les rares qualités de l’homme et de l’écrivain, distinction, esprit, talent enfin, prennent décidément un autre nom.