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XIX
SCRIBE ET LE VAUDEVILLE.

de Labiche, qu’ils sapent gantés. Et vive la Grande Duchesse ! Seulement, l’opérette est l’enfant terrible du vaudeville ; d’aucuns disent : l’enfant vicieux. Elle dégénère élégamment ; elle est une capiteuse décadence. De l’ironie à l’amertume la distance est moindre que de la franche gaité à l’ironie. « L’opérette nous guette », a dit plaisamment M. Meilhac. Labiche pouvait ajouter : « L’opérette nous gâte ». Et déjà, en ce temps-là, M. Henry Becque guettait l’opérette, le vaudeville, Meilhac, Labiche — et M. Victorien Sardou.

On connaît l’histoire du pauvre honteux, qui avait une tenue digne et irréprochable, — la tenue d’un moraliste ou d’un notaire, — et qui, après des années de son ingénieuse profession, laisse à ses héritiers des titres de rente authentiques avec les prochains coupons à détacher. C’est toute l’histoire du vaudeville inavoué, auquel les modernistes pardonnent le moins. Pour protester contre lui, ils conspuent le métier, la composition, toute convention ou fiction de théâtre, et tiennent en une même aversion Scribe, le maître, et M. Sardou, le prodigieux disciple. Et, en effet, M. Sardou est le continuateur de Scribe. Seulement, ce qui, à nos yeux, fut un mérite chez celui-ci, venu en son temps, est tout le contraire chez l’autre, en qui l’on ne saurait vraiment saluer un précurseur. Il a ramené la comédie en arrière, après que la suprême étape était franchie, alors que la comédie de mœurs et la comédie sociale atteignaient leur plein développement, et