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XVIII
INTRODUCTION.

des fantoches. Le vaudeville devient une industrie encombrante, et souvent une contrebande.

Vers la fin de l’Empire, la gaieté avait tourné au dilettantisme, armée d’ironie, d’une ironie un peu folle et surélégante, qui est une variété, ou mieux, l’innocence scélérate de la blague. Et voici l’opérette, un vaudeville en musique, moins frénétique, mais plus pervers, et dont les couplets égrillards annoncentlafin de quelque chose, si tant est qu’au plaisant pays de France tout finit par des chansons.

Alors l’éloquence se moque de l’éloquence, et le vaudeville du vaudeville. Crémieux blague la mythologie, MM. Meilhac et Halévy, la légende, la tradition, le passé, le présent, la gaieté, le théâtre, le métier, l’esprit et eux-mêmes, « … Trop de fleurs ! Trop de fleurs ! » Rien n’échappe à leur boulevardière opérette. Ils ravaudent, raffinent, ravagent Labiche avec une impertinence espiègle ; ils rajeunissent les brimades de Pourceaugnac, réparent le quiproquo, autant rapièceté déjà que l’antique vaisseau de Thésée, et soulignent d’un sourire sceptique l’amusant abus qu’ils en font. Ils épuisent l’artifice, et le dénoncent gentiment. Ils ne dédaignent point les traditions, et, au contraire, ils les exploitent avec une candeur traîtresse. Ils ne sont ni optimistes, ni pessimistes, ni franchement gais, ni surtout tristes : ils sont dilettantes et spirituels, et donnent dans le convenu du vaudeville avec une délicieuse perfidie. De vrai, ils sont la hache de Scribe et