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LE THÉATRE D’HIER.

IV

LES JEUNES FILLES.


Elles rêvent au mariage et à l’amour, comme leurs mères et leurs grand’mères. Et elles y ont quelque mérite. Car, de la vie, telle que leur monde l’a faite, elles voient assez pour la deviner, avant de la connaître, et le peu qu’elles en devinent n’est pas précisément de nature à favoriser en elles les souriantes duperies du cœur. Dieu est manifestement impénétrable en ses desseins, et il faut avouer que sa providence suit des voies très détournées, puisque l’exemple des marraines et des sœurs ne parvient pas à décourager la vocation des jeunes filles, et que l’amour persiste à germer en leur âme, comme la sève monte aux branches et les branches portent leurs fruits, éternellement.

M. Pailleron a créé la jeune fille de la société contemporaine : il peut en revendiquer haut le mérite. Elle illumine son théâtre d’une douce et bienfaisante lumière ; elle est vivante, elle est de son monde, elle est vraie, c’est-à-dire très différente de la poupée classique ou du jouet articulé. Pendant qu’autour d’elle la tourmente gémit, le scepticisme fait rage, et le code se déchaîne, elle semble le roseau que courbe le moindre souffle, un roseau tendre et délicat qui plie, et qui pense. « Monsieur Lahirel, dit Geneviève, les jeunes filles ne sont pas des bêtes… Celles des comédies, qui ne voient rien, qui disent : « papa et maman », ce n’est pas vrai du tout, vous savez… Nous ne sommes ni si sottes ni si ignorantes ; ne croyez pas cela… et nous avons des yeux. » C’est leur charme, et leur originalité.

Depuis longtemps on a remarqué que celles de l’ancien