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LE THÉATRE D’HIER.

de naïve expérience, que l’auteur a dosé d’une main assurée et légère. Elles diffèrent surtout par le mariage, qu’elles ont rencontré, et l’influence du mari infidèle ou imprudent, qui a marqué, plus qu’elles ne disent, son empreinte sur leur âme. Elles vivent dans le passé, qui est sombre, et n’osent se confier à l’avenir. Ce n’est pas tant l’étincelle qui leur manque, mais plutôt un rayon de soleil.

L’une, veuve, à vingt-sept ans, d’un général admis au cadre de réserve, a gardé de cette union les souvenirs d’une intimité calme, une imagination un peu déçue et nerveuse, une raison capable d’entraînement et curieuse d’affection : « En fait d’amour, dit-elle, il ne m’avait pas gâtée, mon pauvre général »[1]. Elle est complaisante au récit des fredaines de son neveu, et, si elle exige des coupures par bienséance, elle prend pourtant un aimable intérêt aux narrations claires et suivies. Elle est une tante fort jeune, une marraine très expansive, quelque chose comme une femme ingénue, qui redoute les surprises de son cœur, et en dépense le trop-plein par un ingénieux détour. Et les autres, comme elle, sont de la race des tantes, des marraines, des sœurs, c’est-à-dire des épouses outragées ou dédaignées. Clotilde, que le mariage a plus durement éprouvée, parle de « la maladie qui l’a séparée de ce malheureux » sur le même ton attristé dont Léonie rappelle son « pauvre général »[2]. Épouse d’un viveur, elle a débuté dans le monde par être une agitée ; aux folies du mari elle a d’abord opposé les extravagances ; mais comme elle aussi n’était bonne qu’à faire une honnête femme, elle a dit adieu à Paris, aux conquêtes, et aux fêtes, pour cloitrer ses désillusions dans une retraite moralisante. Elle est devenue « la raison même », comme

  1. L’Étincelle.
  2. La Souris.