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LE THÉATRE D’HIER.

ment l’incrédulité à l’égard des vieux principes, avec un goût des idées, des sensations nouvelles, qui s’ajuste mal aux grands airs et aux belles traditions. De là, une psychologie très moderne de l’amour. La galanterie étant de toutes les vertus celle qui exige la foi la plus robuste, les hommes du monde qui ont perdu l’une, brusquent l’autre ; ils substituent le sourire aux soupirs, le langage précis au style précieux, et, d’un petit air supérieur, brûlent les formalités du sentiment ; de leur côté, les femmes raffolent de théories physiologiques, d’analyses psychologiques, de phénomènes psychiques, et de toute cette musique retiennent la lettre plutôt que l’esprit. De là, aussi, des têtes inquiètes, curieuses, surexcitées ou défiantes ; des cœurs angoissés, brisés ; des veuves et des demi-veuves, qui ont mal à l’âme, et à qui l’on est tenté de dire, en les saluant : « Chère Madame, comment souffrez-vous aujourd’hui ? » Frissonnante corbeille d’épaules nues et de fronts songeurs, qui exhale un double parfum, très montant, de sensuel mysticisme et de mystique sensualité. Et c’est vous, toujours vous, comme au siècle de Molière, qui en êtes un peu la cause, délicieux passe-temps des esprits oisifs, romans, vers, sonnets et pastels, et vous, délicats écrivains, qui les composez, et vous, spirituels causeurs, qui les appréciez, artistes, hommes de talent, hommes de génie, modernes, trop modernes amuseurs d’âmes.

Encore mettez-vous de la grâce à moderniser le monde. D’autres sont plus terribles, dont l’influence a moins de charme : c’est à savoir les demi-érudits, les philologues étroits, les tyranniques germanophiles, qui en imposent « par leur morgue pédante et leur nullité prétentieuse », raillés, détestés, et vénérés, la plus lourde rançon que nous ait imposée l’inflexible Allemagne, au jour de son triomphe.

Pédants mis à part, il ne semble pas que, dans la haute société, les hommes, les jeunes gens surtout,