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LE THÉÂTRE D’HIER.

donc à prendre contact (oh ! si peu) avec ces vilaines gens du pouvoir ; on ne repousse pas la main qui se tend ; on la prend, sans la presser, mais enfin on la prend.

…Quand on est du monde, il faut bien que l’on rende
Quelques dehors civils que l’usage demande.


Cependant, les nouvelles couches s’insinuent, et les Toulonnier sont dans le temple. On ne reçoit pas encore le ministre, un affreux républicain, mais on aguiche son secrétaire. Le diner n’attend pas pour lui ; seulement, il est exquis, presque à son intention. C’est du libéralisme un peu honteux, mais pratiquant. Le premier pas est fait : on y songe. Avec quelques places on convoite quelque influence, on reçoit quelques sénateurs, les plus décoratifs, quelques députés, les plus sages, et l’on dispose de quelques voix pour ou contre le ministère menacé. Enfin la vie rentre dans le salon. Mais il en a coûté des sacrifices, et, sous le plafond solennel des régimes passés, on distingue des nouveaux venus, un peu dépaysés parmi ce décor d’un autre âge, qui se faufilent avec l’esprit, le langage et les idées du jour.

La colonie étrangère, anglaise et américaine, a aussi forcé les portes. À vrai dire, lords et Yankees ne paraissent, en ces derniers temps, avoir exercé sur notre monde qu’une influence assez superficielle. Ils ont fait prime dans les cercles, plutôt que dans les salons. Ces hommes-là n’apportent chez nous qu’une froideur capable d’enthousiasme, un flegme opiniâtre en ses desseins, une activité fiévreuse sous des dehors glacés, une largeur de vues, une envergure de conceptions, une science et un dédain de l’argent, un sens de la vie étrange et nouveau, qui heurtent trop le brillant nonchaloir de notre aristocratie. D’ailleurs la femme a sur eux moins d’empire ; ils ont pour elle un