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ALEXANDRE DUMAS FILS.

Les Idées de M. Alexandre Dumas valaient-elles ce qu’elles lui ont coûté ? La doctrine méritait-elle que le dramaturge supérieur lui sacrifiât quelquefois le goût, la vraisemblance et la vérité ? Il a écrit là-dessus quelques lignes mélancoliques, avec un peu d’humeur contre le théâtre qu’il accuse, l’ingrat.

« Il comprend que ce n’est pas à la forme, dont il s’est servi jusqu’à présent, que l’humanité demandera jamais la solution des grands problèmes qui l’agitent, bien qu’il croie l’avoir trouvée pour lui-même… Et il sent qu’il va y avoir un irréparable malentendu, dont il sera la victime, s’il y veut bâtir le monument de ses dernières pensées. La seule chance qu’il ait de faire accepter les vérités qu’il a dites, c’est de ne pas essayer d’en ajouter de plus hautes à celles-là[1]. »


Le penseur contrit décoche ce dernier trait, et le dramaturge, atteint en plein cœur, gémit sans doute d’avoir plus d’une fois fléchi aux volontés d’un théoricien exigeant et téméraire. — Lorsqu’ Abraham eut gravi la montagne, aiguisé le couteau, courbé le front de la victime, l’Écriture enseigne-t-elle que Dieu le Père, soudain attristé, lui ait reproché durement son héroïque et douloureuse obéissance, inutile à la gloire du Maître et tant dommageable au serviteur ?…


IX

L’ÉCRIVAIN.


M. Alexandre Dumas a beau se mortifier. Il est un grand dramaturge, et, quand il écrit seulement pour le théâtre, un grand écrivain, — si grand que je ne

  1. Préface de l’Étrangère.