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ALEXANDRE DUMAS FILS.

de lui dicter certaines pièces à thèse, où la thèse envahit le théâtre, et s’accrochant au drame l’alourdit. Il est dès à présent visible que de ces brillantes et fantaisistes parabases le dramaturge et l’observateur ont été trop souvent victimes. Aux idées de M. Dumas sur le théâtre utile et législateur nous devons ces interminables discussions théoriques, qui rappellent les sorbonniques d’antan. Joutes oratoires, dont le moindre vice est d’arrêter l’action et de refroidir l’émotion, qu’il est si malaisé de réchauffer ensuite. C’est à elles qu’il faut attribuer la fatigante ingérence d’une logique massive, qui nous semblait tout à l’heure donner la force et la clarté à ces pièces, à la condition d’être déliée et mesurée, et de se glisser en sous-œuvre plutôt que de surplomber la surface du dialogue. Quelle figure voulez-vous que fasse le spectateur, je dis le plus patient et débonnaire, quand au point culminant de la comédie une dispute est instituée, et deux orateurs proposent là-bas, sur la scène, comme au bon temps de la scolastique, par syllogismes en barbara et baralipton, pour s’essouffler enfin en des péroraisons de ce goût :

« Mais prenez garde, Monsieur : vos déductions peuvent nous conduire au renversement des lois naturelles les plus sacrées… Qui me montrera l’endroit de votre raisonnement où la société finit, où la nature commence ? Puisque le monde ne sait pas, puisqu’il ne doit pas savoir que je suis votre fils, il ne voit en nous que deux hommes étrangers l’un à l’autre : eh bien, supposons que je suis la logique de ma situation comme vous suivez la logique de la vôtre, et que je vous demande raison, non plus comme un fils à son père, mais comme un homme à un homme, du déshonneur de ma mère, que me répondrez-vous[1] ? »


L’invraisemblance est le moindre défaut de cette logique encombrante. Il en résulte un autre, plus fâcheux, qui ne tend à rien moins qu’à rompre l’équi-

  1. Le Fils naturel