Page:Parigot - Le Théâtre d’hier, 1893.djvu/27

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
XI
SCRIBE ET LE VAUDEVILLE.

vier de son cours et déborder par delà ses rives naturelles l’nspiration des dramaturges. Ce n’était pas trop du souple talent de Scribe pour la contenir et la redresser. Toutes les aspirations confuses, toutes les obscures tendances, toutes les théories plus ou moins lucides des Sedaine, Diderot et Beaumarchais aboutissent à Scribe, qui d’emblée leur donne une forme arrêtée. Il résout le problème de la pièce contemporaine, que, pour avoir pris trop d’avance sur la société, ses devanciers avaient seulement entrevue. Il dépasse la comédie de caractères, et prépare la comédie sociale. Il ne dit plus : condition avec Diderot ; il ne dit point : couleur locale avec Victor Hugo. Il se prend aux mœurs.

Tout le xviiie siècle dramatique s’est heurté contre un obstacle insurmonté. Ou cherche une formule plus large, qui serait la peinture des milieux ; et l’on est enfermé dans celle des prédécesseurs, qui est la peinture des caractères. Il faut attendre que la Révolution ait brisé les cadres. Dans une société hiérarchiquement constituée, l’unité, qui vient d’en haut, établit et maintient entre les classes des murs d’airain qu’on ne franchit guère. L’homme suit sa voie, sans beaucoup de chance d’en sortir Malherbe et Richelieu ont poursuivi une œuvre parallèle. Ni les genres littéraires ni les classes sociales ne se confondent. Au regard du dramaturge, travers et ridicules apparaissent, en cet état, plus généraux, et les caractères plus tranchés. Mais voici que le principe d’égalité renouvelle la face ou la surface