Page:Parigot - Le Théâtre d’hier, 1893.djvu/248

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
188
LE THÉATRE D’HIER.

trahit une dégradation morale d’un certain ordre, avec une vague odeur de féminin tout autour[1]. » Mais encore, qu’est-ce donc que M. Alphonse ? Un homme qui voit la vie comme elle est, et qui a juré n’être la dupe ni des choses, ni des hommes, ni surtout des femmes. De mauvaise compagnie ? Pas précisément : il n’y est venu que plus tard, forcé par la concurrence à descendre d’un échelon, comme fit en même temps que lui le demi-monde. Pour l’heure, M. Alphonse est ce que les femmes appellent un jeune homme charmant, à l’œil vif, à l’éternel sourire, à la tenue irréprochable, avec du linge aussi net que ses dents et des dents aussi blanches que son linge, presque femme lui-même. Il a fait de l’égoïsme sa carrière ; il donne à aimer ; c’est une grande coquette qui ne s’attache point. Il faut le courtiser, et longtemps, le circonvenir par mille prévenances et quelques menus services, si l’on prétend à le fixer, quand on n’est pas de première jeunesse, ni jolie, jolie, ni très distinguée. Il est Célimène, mais plus moderne, avec plus de tempérament et moins de scrupule. Il joue de l’éventail, il excite la jalousie de ses soupirantes ; il s’en sert, s’en amuse : il est adorable et adoré. Il a une liaison sérieuse, qui lui permet de mentir avec délices, comme une femme. C’est une amie un peu mûre, ancienne servante d’auberge, aujourd’hui millionnaire, dont il a été recherché, accaparé, et qui lui promet le mariage. En attendant, elle l’aide paternellement ; un peu rougeaude, un peu exigeante, et d’une jalousie… ! Mais la vie est si dure ! Et puis, elle l’épousera.

Seulement, il y a une tache. Épousera-t-elle la tache ? Il a dans un village voisin de Paris une enfant de six ans, le fruit de sa première faute , alors qu’il était presque sage, et qu’il fut aimé d’une jeune fille

  1. Édition des Comédiens, Notes de Monsieur Alphonse.